POURQUOI JÉSUS DÉNONCE-T-IL LA RÉLIGION?
Enrique Martínez LozanoMt 21, 28-32
Jésus, celui qu’on accusait de "manger avec les pécheurs et les collecteurs d'impôts" - c'est-à-dire, des comportements inappropriés pour une personne religieuse - passe de la provocation à la dénonce de la religiosité de ses accusateurs.
Le texte indique que ses interlocuteurs sont "les grands prêtres et les anciens (ou sénateurs)", l’élite religieuse et la plus haute autorité du judaïsme. Ils présument d’être "justes" et se reconnaissent comme les juges de l'orthodoxie, approuvant ou condamnant le comportement des gens. En assumant un rôle d’ "intermédiaires" de Dieu, ils ne font qu’absolutiser leur rôle jusqu’à devenir l'instance la plus puissante de cette société-là.
Nous savons que Jésus ne s'entendait pas bien avec le pouvoir ni avec la religion. Il opposait toujours le pouvoir au service, ("Vous le savez, les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il ne doit pas être ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude": Mt 20,25 à 28); à la réligion il opposait la gratuité, ("Tout ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé": Lc 15,31 à 32).
Ce n'est pas par hasard que service (compassion) et gratuité constituent les piliers fondamentaux de son message. Et il ne semble pas non plus que ce soit par hasard que ces deux traits ne soient justement pas appréciés par l'autorité. Même inconsciemment, l'autorité cherche à maintenir le pouvoir. Pour ce faire, elle se revêt d'un air de solennité, tout en reclamant soumission et observance des normes. Ainsi, et même proclamant le contraire, dans la pratique, elle retourne le message: les "sujets" saisissent automatiquement que tout est élucidé dans l’observance et le mérite. On continuera à faire un discours "religieux" et on continuera à nommer Dieu et Jésus, mais en fait on a désactivé le message originel.
Face à ce mode de fonctionnement de la part de l'autorité religieuse, la parole de Jésus ne peut pas être plus forte: "Collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu."
Pour ses interlocuteurs, ce serait un paradoxe blessant: ces personnes-là qu’ils considéraient rien de moins que des "pécheurs publiques", éloignés et maudits de Dieu, voilà qu’ils étaient préférés à eux-mêmes.
Ce n'est pas la seule fois où Jésus bouleverse l'“ordre religieux". Déjà, dans les paraboles du "Bon Samaritain" (Luc 10,25-37) ou du “jugement universel (Mt 25,31-46) il transmet le même contenu. Et d’une manière strictement claire dans l'Evangile de Matthieu on lit ce qui suit: “Il ne suffit pas de me dire “Seigneur, Seigneur” pour entrer dans le Royaume des cieux, il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux “(Mt 7,21).
Après toutes ces paroles de Jésus, il ne semble pas difficile de voir ce qui était plus important pour lui:
• l'affirmation de la Gratuité; dans le langage théiste ce serait exprimé ainsi: "Dieu est Grâce";
• les "derniers" - pour le simple fait de l'être - sont les préférés;
• la primauté de l'amour sur les croyances: peu importe ce que l'on croit mentalement, mais ce qu'on vit et, plus encore, ce qu'on aime.
On a dit aussi de Jésus qu’il "est passé partout en faisant le bien” (Actes 10:38). Voilà la clé définitive: le test de la vie spirituelle n'a rien à voir avec les croyances, mais avec la vie quotidienne et, spécifiquement, avec l'attitude de bonté envers les autres.
Enrique Martínez Lozano
Traducción: María Ortega