UNE MISSION DÉSAPPROPRIÉE
Enrique Martínez LozanoJn 20, 19-31
Dans la mesure où l'on connaît mieux le processus sur comment les Evangiles ont été écrits, il est possible d'y distinguer des différents stades, correspondant également à des différents moments dans la vie de la communauté.
Ainsi, la raison pour laquelle pn dit que les portes étaient «fermées» semble avoir changé au fil du temps: si dans la dernière rédaction, le fait est attribué à la "peur des Juifs", il semble que, à l'origine, ce détail voulait souligner la prochaine venue de Jésus comme un fait aussi prodigieux qu'inattendu.
D'autre part, les exégètes coïncident en disant que "l'épisode de Thomas" est un ajout ultérieur qui a un objectif clair: mettre l'accent sur l'égalité de la foi de la communauté actuelle (de l'an 100, où cet ajout aurait pu être rédigé) avec celle de la première communauté.
Le but du récit originel tient à souligner que "l'identité" du ressuscité est la même que celle du crucifié (marques des clous), assurant la présence du maître au milieu de la communauté.
Et cette présence se traduit en joie, en paix et en mission. Bien que à un certain moment la mission a été comprise en clé prosélytique -pour une conscience mythique, c'était inévitable- aujourd'hui c'est clair pour nous que la mission n'est qu'une, bien qu'elle s'exprime en chaque personne d'une manière "particulière".
La mission est d'être canal ou voie à travers laquel puisse fluir la Vie. C'est ce que Jésus de Nazareth a vécu, et voilà la mission à laquelle nous sommes convoqués.
La mission, donc, n'est pas née du volontarisme, mais de la compréhension de qui nous sommes. Elle ne surgit pas du mental et, donc, ce n'est pas l'ego qui doit la faire jouer le rôle principal. Elle surgit de la sagesse profonde où nous savourons notre véritable identité.
C'est pourquoi, même si cela demande de la désappropriation, du détachement et même de l'effort, elle n'est en aucun cas tyrannique, ni quelque chose d'ajouté à ce déjà que nous sommes. Si c'était quelque chose "d'ajouté" à nos vies, nous serions tombés dans un dualisme erroné et nuisible.
Tout comme la lumière éclaire d' elle-même, la personne qui est enracinée dans sa vraie identité –la personne sage, qui "savoure" ce qui est- est déjà la lumière pour les autres. Parce que c'est justement alors, quand nous sommes en lien avec notre véritable identité, que l'adéquat surgit de nous mêmes: nla Vie que nous sommes se manifeste.
Ainsi compris, c'est clair que le moi ne peut pas s'approprier de la mission. Celle-ci disparaîtrait dans la même tentative, pour devenir tout simplement, un projet de l'ego. Cela explique pourquoi, tout au long de l'histoire, y compris les "missions" bien intentionnées, souvent, sont devenues des expériences négatives, des conséquences désastreuses. Ce qui est né de l'ego –il a beau être un ego "bien intentionné" ou religieu– il ne construit pas, parce que les critères égoïques sont inexorablement etroits et réducteurs.
La "mission" n'a pas de sujet et n'est pas susceptible d'être appropriée par personne. Tout simplement, elle est. Il s'agit d'une désappropriation exquise où cette parole sage de Jésus est accomplie: "que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite" (Mt 6,3).
Encore une fois, il s'agit de lâcher les fausses identifications pour reconnaître notre identité dans la Vie, unique et partagée, qui s'exprime à travers tout.
Enrique Martìnez Lozano
Traducteur: María Ortega