ACCUMULER OU ÊTRE?
Enrique Martínez LozanoMt 4, 1-11
Dans le récit des tentations, les plus fortes appétences de l'ego sont reflétées sagement. Il est compréhensible: notre première et constante tentation (tromperie/erreur) n'est autre que l'identification avec l'ego et de vivre pour lui.
C'est une erreur, qui conduit à la confusion et à la souffrance, car elle implique rien de moins que d'oublier notre véritable identité et de nous réduire à «quelque chose» qui nous asservit: l'ego, en tant que faisceau de besoins et de peurs, il obscurcit notre vision et nous fait voir la réalité à partir de la fente réduite d'un mentale absolutisé.
L'ego se définit lui-même par ce qu'il accumule: possessions, image, gloire, titres, puissance, émotions, croyances... Et, prisonnier d'une insatisfaction constante, il consacre sa vie à accumuler: c'est son seul moyen de se sentir vivant.
Voilà, donc, notre constante tentation. Mais il est important de noter que nous n'en sortirons pas à travers la lutte, mais grâce la compréhension.
Le récit semble aussi nous rappeler ceci, en mettant dans la bouche de Jésus des paroles de sagesse, qui lui permettent d'éviter l'erreur: «Le Seigneur, ton Dieu tu adoreras, et à lui seul tu rendras culte».
Le «Seigneur Dieu» indique ici tout le contraire de l'ego. Si celui-ci est seulement une erreur, qui nous enferme dans sa fiction, «Dieu» est le fond, la source et le centre de toute réalité, la Mêmeté de tout ce qui est. Cela l'unique qui mérite adoration: parce que c'est la vérité .
Or, la Mêmeté de ce qui est, constitue notre identité la plus profonde: c'est la Présence que nous percevons comme pure conscience d'être. Il s'agit de l'identité qui est toujours sauf, qui transcende le temps et l'espace, que nous reconnaissons «partagée» avec tout ce qui est, et qui est notre véritable «foyer» où nous nous découvrons non-séparés de personne ni de rien.
Si l'instinct de l'ego est d'accumuler –les «tentations» vont par là-, la Présence ne cherche autre chose qu'être. «Rien que d'être. Rien d'autre. Et ça suffit. C'est le bonheur absolu», a déclaré Jorge Guillen à bon escient.
Lorsque la compréhension nous permet de vivre en lien avec la Présence que nous sommes, nos vies sont transformées. C'est ce que nous apprécions en Jésus: nous percevons en lui un homme libre, confiant, compatissant, équitable ...
Qui se trouve identifié avec l'ego (ou moi mentale), va vivre inévitablement insatisfaction, solitude , peur et anxiété . Parce que étant une fiction, sa perception est d' absolue carence et agitation: il aura beau essayer de le nier, de le masquer ou de compenser, il se sait absolument vulnérable et donc, menacé.
Par contre, chez celui qui se vit ancré dans sa véritable identité, surgit la confiance, la sérénité, la paix, la confiance, l'amour... En fait, toutes ces dimensions ne sont que d'autres noms de cette même réalité unique.
A l'occasion des funérailles de Nelson Mandela, j'ai à nouveau lu le témoignage que, il y a quelques années, le cardinal Martini avait donné sur lui. À une occasion, quand il a été interrogé sur la personne la plus spéciale qu'il aviat connu de sa vie, Martini a réagi rapidement: «Mandela, un homme complètement en paix.»
D'autre part, seule la compréhension de notre véritable identité nous permet d'échapper au piège de l'accumulation incessante et anxieuse où se trouve l'ego.
Et nous venons à découvrir -Jésus sera aussi un signe de cela- qu'i ne s'agit pas d'accumuler, mais de participer dans le mouvement de la Vie: laisser que la vie soit, parce que nous vivons en harmonie avec elle, tout en la reconnaissant comme notre identité ultime, toujours sauf: la seule qui mérite toute adoration.
Enrique Martìnez Lozano
Traducteur: María Ortega